Touareg du Niger - Histoire
"Les Touareg furent longtemps de redoutables guerriers vivant essentiellement de razzias". Cette phrase constitue pour une
grande majorité d'entre nous la seule connaissance de l'histoire des Touareg. Cette réduction beaucoup trop simpliste
et finalement peu objective rend nécessaire une analyse des évolutions connues par la société Touareg au
cours des siècles passés.
Vous trouverez ci-après quelques notions non exhaustives de l'histoire du peuple Touareg du Niger.
L'histoire récente n'est pas traitée dans cette page. Sachez seulement que les Touareg du Niger sont récemment
sortis d'une période de rebellion ayant pour objectif l'obtention d'une meilleure reconnaissance dans la société
nigérienne, et d'un rôle plus équitable dans la direction politique et économique du pays. Plus fondamentalement,
il était question de la dignité et de la survie du peuple Touareg.
La lecture de "Touareg, La tragédie" de Mano Dayak, publié aux éditions Jean-Claude Lattès (1992,
ISBN 2-7096-1154-6) vous permettra de comprendre les fondements de la rebellion du peuple Touareg.
Les Touaregs
L'ivoire, l'or, les esclaves, que de sujets de convoitise pour les nomades pillards ! Dès le VIIème siècle
pour certains auteurs, à partir du XIème siècle pour d'autres, après les Berbères qui avaient
laissé leurs traces sous la forme de gravures rupestres, les tribus touarègues dévalent vers l'Aïr
(appelé aussi Abzin en haoussa), porte du Soudan fabuleux. Ils bousculent les populations noires haoussas qui occupaient
le massif et s'installent dans cette forteresse d'où ils peuvent lancer, en toute impunité, des raids dévastateurs
sur les établissements soudanais. En provenance de l'Ahaggar ou du Fezzan, on distingue, d'après Boubou Hama, trois vagues
successives: les Issandalan (parmi lesquels les Itesen) au XIIème siècle, les Kel Gress aux XIIIème et XIVème
siècles, les Kel Oui (ou Kel Omey) à la fin du XIVème et au XVème siècle. Leur première
capitale fut Assodé, qui aurait été construite par les Kel Gress et dont on peut voir les ruines à
proximité de la piste Timia/Iférouane, non loin de Tin Telloust.
Dès le XVème siècle cependant, à la suite de l'anarchie qui régnait dans l'Aïr, les
confédérations touarègues décidèrent de se choisir un arbitre qui ne serait pas élu parmi
elles, mais de race différente, et de l'introniser sultan de l'Aïr.
Ici l'histoire se complique: la tradition touarègue affirme péremptoirement que cet "arbitre" serait venu
de Constantinople. Le sultan de Constantinople aurait donné, non pas un fils légitime (ses femmes s'y seraient opposées)
mais le fils qu'il aurait eu d'une captive noire. Mythe ou réalité ? Une hypothèse différente le fait
venir du Fezzan. Quoi qu'il en soit, le groupement Emgedeshi (des Agadéziens), où l'on choisit tous les dignitaires de
la "Cour", est formé des descendants du premier sultan.
Il semble que ce ne soient ni les Kel Gress ni les Kel Oui qui aient envoyé des émissaires à Istanbul, mais les
Itesen, ce qui leur donna par la suite le rôle de "grands électeurs" du sultan. Celui-ci ne s'installa pas
immédiatement à Agadez, mais à Tadéliza où il fut obligé de prêter lui-même
serment d'allégeance à l'empereur songhaï à la fin du XVème siècle. Plus tard, il
déménagea à Anisamane et enfin à Agadez, qui existait déjà. En effet, selon la tradition,
Agadez aurait été fondée par cinq tribus berbères, pour leur servir d'entrepôt commercial. Agadez
est le vocable berbère, proche d'agadir, qui désigne le magasin, le grenier fortifié. Quant à la
date de fondation, l'historien espagnol L. del Marmol indique que la ville a été fondée 160 ans avant l'époque
où il écrit, c'est-à-dire en 1460. Léon l'Africain cite pour la première fois Agadez en 1513.
Un rôle de chef d'escale
Le sultan n'était pas un monarque bien puissant: "roi captif", il devait d'habitude suivre la loi du plus fort sans
quoi les Touaregs n'hésitaient pas à lui donner un remplaçant plus docile ! "Le rôle du sultan était
minime dans la vie touarègue: ce sont des fonctions de chef d'escale caravanière, contrôlant, négociant,
protégeant surtout et régentant tout le trafic par son arbitrage et ses alliances, qui maintinrent au sultan sa position
éminente" (Séré de Rivière).
Par ce rôle même, il amassait un joli pécule, qui servait à l'entretien de toute sa cour: en plus d'une
redevance (en bétail, blé, fruits, légumes) due par les Imrad, il percevait une taxe sur chaque charge de chameau
qui transitait par Agadez. Quant à son Premier ministre ou serki-n-Turawa (le "chef des Blancs" en haoussa),
après avoir escorté la caravane du sel d'Agadez à Sokoto, il se rendait à Kano pour percevoir une partie
du tribut dû sur chaque esclave amené au marché.
Malgré sultan, Premier ministre et cour, l'histoire des populations de l'Aïr est une interminable succession de luttes
intestines et de résistances à l'emprise extérieure.
À l'ouest, I'Empire songhaï, qui a supplanté celui du Mali, étend son pouvoir jusqu'à Tadéliza,
puis Anisamane et Agadez, même si les Touaregs réussissent à s'emparer à plusieurs reprises de Tombouctou
et de Gao, la capitale de l'empire qui s'effondre au XVIème siècle, à la suite d'une invasion marocaine.
À l'est, l'empire du Kanem-Bornou maintient son prestige tant bien que mal jusqu'au XVIIème siècle. Après
sa chute, les États haoussas du Sud ne réussiront pas à assujettir l'Aïr. Quant à l'empire qui
s'étend brusquement sur ces États et sur le Bornou, à partir de 1804, à l'appel d'un des descendants des
nomades Peuls venus de l'ouest et longtemps dominés par les Haoussas, son autorité ne se fait guère sentir sur
la citadelle rocheuse qu'est le massif.
L'occupation coloniale française rencontre de grandes difficultés pour réduire les Touaregs de l'Aïr qui
entretiennent une constante résistance jusqu'à la mort de Kaossen, chef de la révolte sénoussiste.
Une partie des informations disponibles sur cette page ont été issues de la publication "Guide
Bleu Evasion - Sahara", éditions Hachette Tourisme (ISBN 2.01.24.2928.9 - 24-2928-0).
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